Mon histoire
On ignore beaucoup de choses sur la famille de Sax. Il n'en parle jamais et seules quelques petites anecdotes viennent ponctuer le très fin dossier d'une lignée qui s’étiole au fil des générations.
Les Kartoffel sont originaire de Bulgarie. Elle n'est présente en Albion que depuis peu. Quelques générations tout du moins. Et personne n'est capable d'expliquer cette émigration soudaine. Les rumeurs sont rares : Les Kartoffel se sont toujours fait discrets. Qu'on prétende qu'il s'agit d'une sombre histoire liée à leur héritage génétique ou une affaire de mages noirs, le mystère restera bien opaque.
Les Kartoffel n'ont jamais vraiment attiré l'attention. Ni du gouvernement, ni des médias, ni de personne. Ils vivent reclus et semblent chercher à se marginaliser du mieux qu'ils le peuvent. De mère en fille, on se transmet l'histoire de la famille. De la malédiction qui l'étreint. Qui l'oblige à ne jamais se mêler aux autres. Sous peine de désastreuses conséquences.
Sebastian a une grande sœur et un petit frère. Sa mère est une femme très silencieuse qui nourrit chaque matin la tombe de son défunt mari, dans le jardin. Elle a des habitudes routinières presque obsessionnelles. On sait où elle se trouve et à quelle heure. Elle semble vivre dans un monde à part. Elle plane loin. Elle ne s'est occupé de ses enfants que durant leur très petite enfance, lorsque son aînée était encore incapable de s'occuper d'elle-même.
Une maladie dégénérescente ? Une émotion de plus ? Une mauvaise rencontre ? Sombrer est très facile chez les Kartoffel qui semblent d'une fragilité mentale exceptionnelle. Quand la mère n'eut guère assez de force pour s'accrocher à la réalité, c'est sa fille qui a pris le relais.
Sebastian est né, comme son frère et sa sœur, avec cet héritage pernicieux. Il ressent le mal autour de lui. La colère, la tristesse. La passion dévorante et la douleur du deuil. La haine du monde et la solitude de sa fratrie.
Les enfants Kartoffel sont enseignés à la maison. Sebastian ne connaît que sa famille durant son enfance. Famille qu'il apprend à détester. Puis lorsqu'il s'ouvre au monde et entend la voix du Mal s'insinuer dans l'esprit des amis qu'il se fait, son destin décide de prendre son propre chemin.
Sebastian se met rapidement a perdre ce qui fait l'âme et l'humanité : La culpabilité. Incapable de sentir ou de ressentir de véritable joie, il apprend à la trouver là où la vie lui a demandé de le chercher. La tristesse des autres l'émeut et il aime pleurer avec ses amis et sa sœur. La colère est contagieuse et ses éclats sont toujours plus violents à chaque fois. Violents mais libérateurs. Sebastian développe sa brutalité à travers la terreur de sa sœur. Chez les Kartoffel, ce genre de virus est dangereux. Sebastian sort, rencontre des gens et rapporte à la maison toutes les merdes qu'il a rencontré dehors. Toutes ces émotions qui ne font que s'amplifier entre les empathes de la fratrie.
Sa sœur lui en veut et le supplie de rester à la maison. De ne pas sortir ! Par pitié ! Mais Sebastian ne veut pas devenir comme sa mère. Il ne veut pas devenir un légume. Ne veut pas que son existence se résume à ça. Il veut devenir quelqu'un, un jour. Il refuse le destin des Kartoffel. Refuse de rester à la maison pendant que ses copains font du vélo, parlent de jeux-vidéos et de musique. Qu'ils s'amusent pendant qu'il reste enfermé là-dedans. Coupé de toute émotion. De tout générateur de conflit. Pas de jeux vidéos. Pas de roman. Pas de télévision. Les jeux sont interdits car prendre le risque de perdre, c'est prendre le risque de voir la famille s'entretuer. Une seule chose semble poncuter la vie de cette maison : L'image du petit Jesus crucifié sur le mur. Comme si le Sauveur allait les sauver, eux. Sebastian déteste les prêches chuchotés de sa mère ou les jolis mots que sa soeur à trouvé dans la Bible. Il déteste cette famille, déteste ce qui l'y enferme et n'a d'yeux que pour l'extérieur. Loin de cette sérénité aveuglante. Sebastian veut vivre de passion, d'amour et de violence.
«
Tu veux voir des gens ? Tu veux t'amuser ? Tu veux être égoïste ? Très bien. Mais si tu pars étudier à Havalbion, tu ne reviens pas. Tu ne ramènes pas tout ce que tu as trouvé là-bas. »
Sebastian ne se fait pas prier et accepte. Sa mère, le regard dans le vide et à moitié rieuse, signe son inscription à Havalbion. Après trois génération, Sebastian est le premier Kartoffel à avoir brisé leur vœu de silence. C'est inédit et sa sœur refuse de le voir partir pour ne pas pleurer. Son petit frère semble bien plus apte à gérer la chose. Ils s'embrassent et se quittent tandis que Sebastian tente de retrouver le chemin de cheminette vers Londres.
Sebastian est un garçon très isolé à ses débuts. Les repas à la Grande Salle sont une torture pour lui. Il préfère manger seul. Il parle peu et semble éviter les gens. Il est craintif et sèche parfois les cours.
Cependant, Sebastian est libre de sa sœur et de son frère. Il peut être joyeux, en colère, triste, ému. Il peut ressentir sans crainte. Et il ne s'en prive pas. Avec les rares amis qu'il supporte, Sebastian ne se gêne pas pour exprimer tout ce qui bouillonne en lui. Beaucoup le trouvent bizarre et il le sait. Qu'importe. Sebastian prend goût à ce qu'il ressent avec une puissance exagérée. A la fin de l'année, Sebastian ne pleure plus face au désemparement. Il rit. Il n'explose plus face à la colère. Il la goûte. Il commence à comprendre comment fonctionnent ses émotions. Ou plutôt : Son esprit s'adapte à la douleur. Comme un enfant qui goûte à un bon vin, l'adolescent grimace au début avant de comprendre qu'il peut s'en enivrer.
A la fin de l'année, les professeurs félicitent ses notes qui ont connues une évolution grandissante. On lui réclame quelques efforts supplémentaires pour être au niveau mais il est sur le bon chemin. Sebastian est devenue la petite coqueluche de l'un de ses professeurs, désireux de voir en lui un sorcier doué mais encore prisonnier de chaînes qu'il n'arrive pas à qualifier. Alors, de temps en temps, il lui donne des cours particuliers dans les serres. Il lui montre les bons gestes. L'accompagne avec une patience infini. Un souffle.
Sebastian ne dira rien à personne concernant leurs entretiens. Les serres deviennent un lieu bien étrange pour lui. Le professeur de botanique lui offre toute sa technicité pour rempoter les fleurs et en échange, Seb écoute son souffle en silence.
Avant les vacances, ses amis de plus en plus nombreux se pressent de lui demander son adresse. Son facebook. Son adresse MSN. Il n'a rien de tout ça. Ni adresse MSN. Ni facebook. Ni maison. L'apprenant, des dispositions sont rapidement mises en place par le professeur de botanique pour lui permettre de passer des vacances correctes. L'un des parents se porte volontaire en tant que famille d'accueil. Tout semble si beau.
Ses vacances se passent bien. Plus pour Sebastian que pour son ami. Les parents se montrent infiniment tendre avec leur petit invité, générant la jalousie et la tristesse de son ami. Sebastian fait semblant de ne rien voir mais joue le jeu. Cette situation le gave de tout ce dont il a besoin. Affection, désarroi et un toit sur la tête. Si les deux amis ne se disputeront jamais, l'un finira par éviter l'autre, à la rentrée. Sax ne cherchera pas à aller vers lui : Ils se reverront très certainement chez ses parents.
Petit à petit, Sax apprend à se nourrir d'un bonheur tout éphémère. Ses notes sont correctes mais ne frôlent même pas le satisfaisant. Seuls ses résultats en botanique semblent rester constant. Sax aime croquer sa nouvelle vie à pleine dent et rapidement, le tri parmi ses amis se font. Ceux qu'il n'a pas profondément blessé cette année le quitteront l'année suivante. Quelques uns commencent à l'éviter tandis que d'autres se laissent emporter par la sensation d'onirisme que Sax déploie dans ses relations. Il semble hors du temps. Sans âge. Certains disent que Sax Kartoffel est potentiellement le Diable. Mais rien n'est encore avéré. Il faudrait des preuves.
Deux ans plus tard, son ami meurt. Apparemment, une plante venimeuse l'aurait mordu, dans les serres. C'est une tragédie. Pour tout le monde. Durant l'été, Sax s'applique à prendre une mine attristée tandis que le désespoir de ses parents adoptifs l'engouffrent dans cette dépendance émotionne étrange.
Une question subsiste : La plante en question n'a jamais été autorisée dans les serres de Havalbion. Le professeur de botanique, cette année-là, sera renvoyé. Sans vraiment comprendre pourquoi, Sax s'appliquera à lui rendre visite durant les vacances. Quelques jours. Aujourd'hui encore, ils continuent d'entretenir un échange par hibou.
Sax mûrit. Il apprend à gérer son pouvoir et à y prendre goût. Cependant, il lui en faut plus, toujours plus. Addict au désespoir. Sax est obsédé par les détraqueurs lorsqu'ils finissent par en parler en cours de DCFM. L'un de ses amis lui fait du coude en balançant une drôle de blague mais Sax ne rit pas. Regarde juste cette image avec un regard vide. Fasciné.
Au cours de sa scolarité, on connaît énormément de « bêtises » à Sax. Son dossier scolaire se remplit. Il n'est jamais vraiment insolent envers les professeurs qui ont appris que derrière ce visage trompeur se dissimule un drôle de prédateur. Agressions, duels impromptues, tentative (et plusieurs fois tant elles ont nourrit le jeu) d'entrer dans les dortoirs des filles, fugue, présence dans le château après le couvre-feu et organisation de fêtes démesurées. Cet enfant est beaucoup trop précoce et on s'inquiète de son avenir.
Sax a commencé quelques trafics ici et là. Obsédé de magie noire et de tout ce qui est interdit, Sax se fait une jolie réputation de mage noir en devenir avec les babioles macabres qu'il ramène et vend à ses camarades. Cependant, il se fait bien mieux connaître à travers les petits paris qu'il a instauré. D'abord avec ses amis, les paris se sont généralisés à un peu tout Havalbion.
Le concept est simple : Proposer un paris à Sax qui l'organisera. Il prendra une part des paris gagnés et l'organisateur, une autre part.
Ces paris sont devenus un sujet d'échange récurent et il tient correctement ses comptes tout au long de l'année. Le nom des parieurs, l'intitulé du pari et la somme pariée. Des paris, il y en a de tous les goûts. Des plus louables aux plus ignobles. Des plus drôles aux plus mesquins. Et avec, toute les propositions de jeux de hasard que Sax fait à ceux qui souhaitent quelque chose de lui.
Aujourd'hui, les paris et les jeux de hasard sont devenus sa marque de fabrique. Croupier de tous les jeux d'argent qui se font illicitement dans Havalbion, il semble que mine de rien, le sorcier en tire un bénéfice incroyable. Pourtant associé à une excellente providence, peu sont ceux qui osent parier directement avec Sax. Car si il est connu que le garçon possède une chance absolument terrifiante (et le bois de sa baguette le confirme), c'est surtout que tout le monde sait que Sax est un tricheur très doué. Parier avec Sax, c'est vouloir perdre.